Ami-ami, de Rascal, ou pourquoi j’aime la littérature de jeunesse !

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un autre livre que j’adore ! Il s’agit d’Ami-ami, de Rascal !

Ami-ami, ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !La première fois que je suis tombé sur cet album, je l’ai lu sans vraiment faire attention, un peu trop vite. Bref, une lecture de 1e niveau. L’histoire d’un lapin et d’un loup qui rêvent chacun de leur côté d’avoir un ami. Et lorsqu’ils se rencontrent, le lapin rejette le loup car il est trop différent, tandis que le loup accepte le lapin tel qu’il est, sans vouloir le changer. Quitte à forcer un peu le choix du lapin…

Après cette première lecture, je me suis dit « Mouais… Un album qui traite de la différence, de l’acceptation de l’autre, de la liberté de décision ». MAIS, j’étais complètement à côté de la plaque ! Je n’avais pas cherché à voir ni comprendre ce qui se cachait derrière les mots et les illustrations. Et pourtant, je connaissais Rascal et je ne dirai jamais assez à quel point je suis FAN de son travail ! Je savais qu’il y a souvent chez lui des histoires entre les lignes ! Et les découvrir, soulever les mots pour voir se qui se cache en dessous, c’est ça que j’aime dans la littérature de jeunesse ! Alors que son exploitation se limite trop souvent à un support de lecture-compréhension… Quel gâchis !

Je vais tenter de vous montrer pourquoi j’aime autant Rascal, et tout ce qu’on rate si l’on ne fait pas attention, si l’on n’est pas attentif. J’essayerai aussi vous montrer un exemple de ce qu’il est possible de faire en terme de littérature en classe. Bien sûr, ces découvertes sont transposables en classe, je vous proposerai l’exploitation à la fin de l’article.

Cet album fonctionne sur l’hésitation permanente que l’auteur et l’illustrateur laisse planer sur le dénouement de l’histoire : les deux personnages vont-ils devenir amis, bon gré mal gré, ou bien le lapin va-t-il finir dans l’estomac du loup ?

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Sur la couverture, on voit les deux personnages avec des messages contradictoires : ils se tiennent la main, geste amical, mais le lapin ne parait pas serein ni heureux. On ne peut pas lire l’expression du loup qui reste très vague. On peut croire à un retour de chasse, mais la présence du bouquet de fleurs est troublante : c’est un symbole d’amitié, de courtoisie. Et ce titre, en grosses lettres jaunes : AMI-AMI. Pourquoi répéter 2 fois ce mots ? Pourquoi pas AMIS au pluriel ? Ce détail a son importance, tout comme la présence du tiret. Ca sert à quoi un tiret d’ailleurs ? A séparer ou à relier 2 mots ? Bref, dès le début, on est dans l’hésitation.

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

 L’épigraphe, c’est une des particularités de Rascal. Il place une épigraphe au début de ses albums, en « bord d’oeuvre ». Elle est là pour éclairer le titre ou le texte et pour mettre en garde, alerter le lecteur sur les éléments clés du texte. Voici celle de ce livre :

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

On peut là aussi relever le double sens du mot « aimer ». Les amis que j’ai aimé (le goût, je les ai mangés) ou d’amitié ? Le doute subsiste.

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

L’auteur et l’illustrateur commencent l’histoire en nous décrivant les deux personnages, que tout oppose. L’un habite en bas de la vallée dans une maison toute ronde, l’autre en haut dans une maison carrée, l’un est grand, carnivore et vit dans l’ombre, l’autre est petit, tout de lumière et végétarien. Mais tous les deux ont le même souhait : avoir un ami ! A une différence près : le lapin veut un ami comme lui, tandis que le loup accepterait un ami malgré leurs différences.

La présentation des personnages fait donc apparaître le loup comme sombre tandis que le lapin parait égoïste. On peut envisager que l’auteur joue sur la mauvaise réputation du loup pour tromper le lecteur et que ce soit lui le « gentil » de l’histoire.

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Même le cadrage est opposé, l’un en plongé, l’autre en contre-plongé, pour des effets renforcé (le lapin parait fragile, tandis que  le loup est encore plus impressionnant)

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Et ce qui devait arriver arriva : un jour, le lapin et le loup se rencontrent !

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Au passage, vous notez le clin d’oeil au Petit Chaperon Rouge fait dans cette illustration ? On lui avait défendu d’aller dans la forêt à cause du loup et il s’est éloigné du chemin pour ramasser des fleurs. Et là, rebelote ! Le lapin franchit les barbelés et tombe sur le Canis Lupus. Il ne connait pas ses classiques, celui-ci !

Le lapin tend son bouquet au loup qui, flatté de ce geste, se laisse aller à un élan de gentillesse et déclare « Tu es mon ami ». Mais le lapin refuse cette amitié, trop éloignée de son idéal (et sans doute un peu trop dangereuse à son goût). Mais malgré les protestations du lapin, le loup l’emmène chez lui, et ferme la porte à double tour.

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Voici l’illustration finale :

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Libre à vous de comprendre et d’imaginer la fin. Trois possibilités s’offrent à nous. La première : le lapin et le loup deviennent les meilleurs amis du monde ; la seconde : le lapin rejette cette amitié et rentre chez lui (désabusé, le loup sombre dans une dépendance addictive 😛 ) ; la dernière : le loup dévore le lapin !!!

Examinons les éléments que nous avons en main. La scène finale montre le loup embrassant le lapin. C’est ambigu : goûte-t-il le repas ou est-ce vraiment une démonstration d’affection ? Regardez sur la gauche de l’image. La table est dressée, mais pour combien ? Impossible de le savoir, l’image est coupée ! L’auteur et l’illustrateur maintiennent cette ambiguïté, la fin reste ouverte.

Cependant, des indices permettent de pencher pour la dernière solution. Sur cette image, on voit que les fleurs sont éparpillées au sol, comme si le symbole de cette « amitié » n’existait plus. Les couleurs de l’image sont très sombres, signe d’une fin (faim ?) assez sinistre. Est-ce la lumière au bout du tunnel qui apparait ?

Aussi, la dernière réplique du loup est tout sauf un hasard : « Je t’aime comme TU ES ». Comme tu es, comme tu es… Aaaahhhhhhh ! Comme TUER !!! Un peu tiré par les cheveux, cet argument ? Connaissant Rascal, je suis sûr que ce n’est pas le fruit du hasard. Vous n’êtes pas convaincu ? Voici la 4e de couverture :

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

C’est comme une fenêtre sur ce qu’il se passe dans l’histoire une fois qu’on a fermé le livre, les personnages poursuivent l’histoire sans nous. Pôv’ lapin… En même temps, il était pas très sympathique, hein !

Cette oeuvre trouve aussi sa place parmi les autres ouvrages de Rascal. Et celles-ci s’éclairent les unes les autres. Observez les trois illustrations suivantes, on retrouve le même motif sur les serviettes.

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Les autres images sont extraites de Petit Lapin Rouge et Poussin Noir, deux autres histoires dans lesquelles les fins sont ouvertes mais une lecture fine ou le rapport texte-image permettent de déceler un sombre présage pour le personnage.

Et pour finir, revenons au titre du livre. On s’était interrogé tout à l’heure sur ce titre. Pourquoi la répétition du mot AMI ? Et pourquoi un tiret entre les deux mots. Rappelez-vous, un tiret sert à ATTACHER les mots, à les relier. Alors, on le relie ?

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Bon appétit !

Si j’ai réussi à vous convaincre du potentiel qu’offre la littérature de jeunesse, et que cet album vous a plu, voici l’exploitation à réaliser en classe.

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Il s’agit d’une séquence de 5 séances, toutes prêtes, docs élèves inclus, qui reprennent les explications données dans cet article. J’ai déjà mené les séances en CE2, CM1 et CM2, c’est à portée de tous et ça plait à chaque fois !

Et si vous voulez faire découvrir à vos élèves l’univers de Rascal et ses textes réticents et proliférants, je vous invite à lire cet article.

Une exploitation en CP chez Delfynus :

Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j'aime la littérature de jeunesse !

Et si vous avez réussi à me suivre jusque-là, félicitation et merci de votre attention !

24 pensées sur « Ami-ami, de Rascal. Ou pourquoi j’aime la littérature de jeunesse ! ! »


  1. delfynus
    dit :

    Moi, je le fais très souvent en CP/CE1… et tu as peut etre oublié un élément, que je fais travailler à mes élèves en fin de lecture, quand on a tout lu et qu’on cherche quelle peut etre la fin :
    AMI AMI = MIIAAM !


  2. OlivierI
    dit :

    Je l’ai mis Delfynus, mais j’ai laissé les lecteurs trouver la solution
    Je vais mettre un lien vers ton exploitation.


  3. delfynus
    dit :

    Erreur ! En lisant tes documents en profondeur tu as une nouvelle façon de le voir, mais ça fonctionne aussi !!!!!
    Nous, on en profite pour jouer sur les anagrammes !
    J’ai mis un lien vers chez toi dans mon article sur cet album !
    http://delfynus.eklablog.com/ami-ami-de-rascal-a46113081


  4. OlivierI
    dit :

    Merci ! Je viens de créer le lien également.Mais j’ai bien signalé le MIAM qui se cache dans le titre :
    « Et pour finir, revenons au titre du livre. On s’était interrogé tout à l’heure sur ce titre. Pourquoi la répétition du mot AMI ? Et pourquoi un tiret entre les deux mots. Rappelez-vous, un tiret sert à ATTACHER les mots, à les relier. Alors, on le relie ?

    Bon appétit ! »


  5. OlivierI
    dit :

    C’est bon, je viens de comprendre, c’est vrai que je ne suis pas sur un anagramme !


  6. delfynus
    dit :

    Désolée, j’ai retiré le suspense ! Enlève mon commentaire si tu veux 🙂


  7. OlivierI
    dit :

    Oh non, pas de soucis, je pense que les lecteurs auront trouvé avant d’arriver aux commentaires.


  8. ptitejulie
    dit :

    Génial!


  9. OlivierI
    dit :

    Merci Julie ! Je me doutais que l’article te plairait !


  10. Valentinou
    dit :

    Je vais lire cet album à mes petits CP alors cet article tombe vraiment pile poil ! Merci pour cette analyse très intéressante


  11. OlivierI
    dit :

    De rien Valentinou ! Le timming est parfait donc 😉

  12. Pelsa
    dit :

    Oh la la  génial merci … Je découvre chez toi . Je vais en lire un peu plus


  13. OlivierI
    dit :

    Merci Pelsa ! A bientôt donc !


  14. segpalienor
    dit :

    J’adore cet album, mais j’ai jamais osé l’utiliser en segpa, si encore j’avais les 6èmes, j’oserai mais mes 4/3èmes risquent de mal prendre qu’on bosse sur un album… rien que pour le principe…


  15. OlivierI
    dit :

    Je te comprends… Peut être en démarrant avec d’autres albums de Rascal, pour lesquels on n’a pas besoin des images ? Lorsque l’auteur sera connu, ça pourrait peut être passer (quoique) ?

  16. Mayleb
    dit :

    Superbe! Le bouquin comme son exploitation.


  17. OlivierI
    dit :

    Merci Mayleb !


  18. crevette06
    dit :

    Euh… que dire…
    Waouh!!!
    Je découvre ton article grâce au coup de coeur du mois de Valentinou et j’adore ta lecture de ce livre… N’hésite pas à nous en faire partager d’autres c’est un vrai plaisir !


  19. MALILUNO
    dit :

    J’arrive de chez Valentinou!! je decouvre ton travail sur ami ami que je connais!! mais que je n’ai jamais approfondi!! alors merci pour ton article et ton travail!!


  20. Ermeline
    dit :

    J’adore toujours autant ce magnifique travail qui m’a fait découvrir ton blog!


  21. ptitejulie
    dit :

    Résonance!
    https://enseignerlitteraturejeunesse.wordpress.com/2015/09/27/ami-ami-une-lecture-interactive-pour-toi/
    Bon dimanche


  22. OlivierI
    dit :

    Merci pour le lien Julie ! Même de l’autre côté de l’Atlantique, l’album plait !Bon dimanche chez toi aussi !

  23. Manue107
    dit :

    Merci pour cette exploitation, c’est un de mes albums préférés, j’ai eu le droit à la lecture par Catherine Tauveron elle-même, un vrai bonheur!

    OlivierI

    Mercredi 14 Octobre 2015 à 16:23

    Quelle chance tu as eue ! Merci pour ton passage !

  24. OlivierI

    dit :

    Quelle chance tu as eue ! Merci pour ton passage !

Comments (7)

  • Un auteur : Rascal – zil et compagnie19 décembre 2016 at 23 11 40 124012 Répondre

    […] Ami-ami : l’histoire d’une amitié improbable et impossible entre un lapin borné et un loup au grand coeur (vraiment ?). Tout l’intérêt de cet album réside dans l’incertitude permanente concernant les réelles intentions du loup (« Je t’aime comme tu es »- Comme tuer ? ). D’ailleurs, la fin de l’histoire se cache dans le titre, vous l’avez trouvée ? Un album dans lequel le rôle des illustrations est primordial ! […]

  • souad7 février 2017 at 17 05 52 02522 Répondre

    Bonjour, moi je suis bcdiste et j’ai travaillé avec cet album en début d’année avec les CP/CE1
    j’ai demandé aux enfants de répéter très vite ami-ami et ils ont entendu miam-miam. ils ont changé d’avis très vite sur le loup qu’ils croyaient gentil en me disant  » non !!! il va le manger !! »

    • ziletcompagnie10 février 2017 at 18 06 11 02112 Répondre

      😀 La magie de la littérature !

  • elroybridget19 décembre 2017 at 8 08 48 124812 Répondre

    Je suis, comment dire, abasourdie, jamais je n’avais vu tout cela. J’ai presque envie de dire que ce livre est destiné aux grands car il me semble que les petits enfants, hormis un sentiment de méfiance ou de malaise de temps en temps, ne peuvent pas comprendre tout cela, seuls. Je suis novice dans la lecture aux enfants et ce livre m’a été conseillé pour parler de la différence, de l’amitié….

    • ziletcompagnie22 décembre 2017 at 7 07 41 124112 Répondre

      C’est pour ça que je suis un grand fan de Rascal : sous ses airs d’histoires niaises, il y a une compréhension de 2e niveau à trouver.
      Pour ton réseau, je ne suis pas persuadé que ce soit l’album le plus approprié. On est bien loin de l’acceptation de la différence ou de l’amitié en réalité ?

  • dali13 février 2021 at 20 08 08 02082 Répondre

    Bonjour. cet album me fait un peu penser à l’histoire « du petit chaperon rouge » avec la naïveté du lapin, avec sa solitude et qui cherche la grande amitié, la distraction pendant que le loup cherche à se remplir le ventre, comme un instinct vital mais bestial et primaire.

    L’autre similitude que j’y vois (mais je suis peut-être un peu trop aguerri par le sujet) : la leçon autour du prédateur sexuel.
    Dans le petit chaperon rouge, le loup attend la fillette dans un lit, en se faisant passé pour un(e) autre, en étant grimé.
    Ici, le petit (jeune) lapin est intimidé, pris par surprise par le grand (vieux) loup… comme lors d’un non-consentement (viol)

    • ziletcompagnie14 février 2021 at 21 09 35 02352 Répondre

      Bonjour Dali,
      Sans doute que cette histoire est ancrée dans l’univers du Petit Chaperon rouge, Rascal n’a jamais renié cette filiation. On la retrouve de manière plus explicite dans Petit Lapin rouge. Dans cet album-ci, l’illustration de la rencontre des deux personnages est également une référence à ce conte : le lapin est sorti de sa prairie, il a franchi les limites de la forêt (le territoire du loup, dont la limite est symbolisé par une barrière). Le loup est ici un personnage ambigu, même pour le lecteur, bien plus complexe que celui de Perrault : sa représentation illustrée est inquiétante alors que le personnage décrit et ses paroles sont rassurantes et tolérantes, au premier abord tout du moins.
      Pour le parallèle avec le prédateur sexuel, je ne sais pas. Bien sûr, votre argumentation est valable, mais est-ce l’intention de l’auteur ? On voit ça aujourd’hui avec nos yeux de 2021, mais ce livre a 20 ans. Alors bien sûr, on est juste quelques années après le drame qui a ébranlé la Belgique, mais était-ce un message caché ou est-ce une interprétation ?
      Comme quoi, les textes résistants permettent réellement des interprétations diverses !

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