Littérature : que faire et comment l’enseigner ?

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Littérature : comment l'enseigner ?

Littérature : comment l'enseigner ?

Vous l’aurez peut-être remarqué (non, vraiment pas ???), l’enseignement de la littérature de jeunesse est l’une de mes préférées ! J’ai toujours eu un attrait particulier pour ce domaine, et j’ai eu la chance de croiser les bons formateurs qui m’ont emmené en dehors des sentiers battus.

La littérature de jeunesse, c’est tellement plus qu’un support de lecture ! Il existe des dispositifs à mettre en place qui permettent au groupe classe, après s’être volontairement cassé les dents sur un texte, d’accéder au sens de celui-ci, parfois très éloigné de ce que les élèves pensaient avoir compris au premier abord, et aussi qu’ils aient un retour réflexif sur le chemin qu’ils ont parcouru pour y parvenir. Le choix des textes que l’on va proposer est déterminant dans l’apprentissage, tous les titres de littérature ne s’y prêtent pas : comme pour les autres matières, il s’agit d’un enseignement qui se PROGRAMME, avec ses objectifs spécifiques et progressifs. Bon OK, dit comme ça, c’est trèèèès vague.

Je vais essayer de vous expliquer ce que j’aime dans ce domaine, et d’expliquer à peu près clairement ce que je fais en classe, et donner des exemples précis.

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Tout d’abord, il faut que je vous parle de ma bible en terme d’enseignement de la littérature. Il s’agit de l’ouvrage de Catherine Tauveron « Lire la littérature à l’école – Pourquoi et comment conduire cet apprentissage spécifique ? de la GS au CM2 ».

C’est l’ouvrage de référence. L’auteure prend soin d’expliquer les enjeux de cet apprentissage et nous montre comment s’y prendre. Elle aborde les enjeux théoriques mais en les illustrant à chaque fois avec des exemples pratiques, en citant des albums ou romans mais également en montrant les difficultés de compréhension et d’interprétation (souvent délibérées de la part de l’auteur du livre) qui s’y trouvent, et comment les aborder en classe. Il y a des dizaines d’exemples d’exploitation disponibles !

L’ouvrage est vraiment très complet, dépassant souvent ce qu’il est réellement possible de faire en classe, mais on y découvre une autre manière de procéder qu’une lecture-compréhension avec questionnaire à la clé.

Il ne se lira pas dans le bus ou le train, mais si vos avez le temps de vous poser et l’envie de découvrir, n’hésitez pas, vous ne serez pas déçus !

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Pour faire simple, on peut dire que la lecture va s’intéresser aux problèmes de compréhension (rendez visite à Mélimélune, MalloryAllet ou encore beaucoup d’autres pour vous y pencher) tandis que la littérature va s’intéresser aux problème d’interprétation.

Comme le dit Catherine Tauveron dans les premières pages de son ouvrage, on ne lit pas la littérature comme on lit un documentaire, l’annuaire ou une liste de commissions. « Il doit exister un plaisir esthétique, intellectif et culturel qui, loin d’opérer par magie, se construit » et la plupart du temps, « on appréhende le récit littéraire comme un fait divers et non comme un produit artistique. On tolère, en maternelle, qu’il puisse déclencher des réactions affectivo-identitaires, mais on les écarte ensuite ».

La richesse et l’intérêt d’un texte littéraire repose, en partie, sur le fait que plusieurs interprétations peuvent en être faites, et l’étudier à l’aide d’un questionnaire ferme souvent les portes à cette possibilité. « C’est parce que la  lecture littéraire est un acte singulier d’appropriation d’un texte qu’elle peut être échangée et éventuellement partagée dans la communauté interprétative que constitue la classe. La lecture informatique traditionnelle centrée seulement sur le qui ? où ? quand ? comment ? est une lecture qui reste extérieure à l’élève. Elle ne s’échange pas, parce qu’elle fait l’objet, la plupart du temps, d’un consensus. […] La lecture littéraire qui se tient au plus près du texte (des contraintes qu’il impose et des libertés qu’il offre), qui implique la mobilisation d’une culture partagée (ou à partager) dans la classe, qui se pose la question du « comment ça marche ? » en soi, aussi bien que moi que sur les autres, qui sollicite des interprétations diverses dont le degré de pertinence doit toujours être argumenté et évalué, appelle naturellement l’échange. La lecture en classe devient ainsi le lieu où l’on objective dans le langage ce qu’on a pensé, où l’on se penche sur ce qu’on a ainsi produit pour le considérer sous un jour nouveau, un lieu de négociation de sens, un lieu d’écoute de soi et de l’autre, un lieu de tolérance mais aussi d’esprit critique toujours en éveil : un lieu d’intersubjectivité« (Catherine Tauveron).

La lecture est au service de la littérature, toutes les compétences de lecteur vont être mises en œuvre dans l’étude de textes littéraires. Ces textes, volontairement denses, parfois obscurs à la compréhension, esthétiques, résistants, proliférants, vont poser des problèmes non pas de compréhension, mais d’interprétation.

C’est en amenant le texte d’une manière fine, ciblée, centrée son obstacle spécifique que vont naître des échanges riches entre les élèves, où chacun mettra en avant la manière dont il l’a perçu (toujours en le justifiant), en faisant sans cesse des allers-retours entre les lignes, en écoutant ses pairs, et grâce aux coups de pouce de l’enseignant, que le sens va petit à petit se construire.

C’est donc sur les échanges que l’enseignement de la littérature se base.

C’est vrai, ça fait beaucoup de blabla d’un coup, j’en suis conscient. Voici deux exemples pratiques, l’analyse de deux albums simples à comprendre (lecture) et bien plus profond à interpréter (d’un point de vue littéraire) :

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

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L’une des manières d’entrer en littérature est d’étudier un genre littéraire. Parmi ceux-ci, on peut citer le policier, le récit de vie, l’aventure, le récit de voyage, le récit historique, le conte, la fable, le fantastique ou la science-fiction. Ces genres littéraires peuvent être écrits sous différentes formes (romans, albums, bandes dessinées, nouvelles, théâtre, poèmes).

L’objet de l’étude d’une séquence d’apprentissage va donc pouvoir être de caractériser l’un de ces genres ou l’une de ces formes littéraires. Mais à quoi cela peut-il servir pour l’élève de rencontrer ces différents genres ou formes ? Déjà, à savoir le lire : le théâtre écrit présente des caractéristiques très particulières, et si elles n’ont pas été explicitées et présentées, il sera difficile de se repérer dedans. « Pourquoi y a écrit des prénoms au milieu des lignes ? C’est quoi les écritures penchées, là ? Ça veut dire quoi Scène IV ? ».

L’étude d’un genre va permettre à l’élève de se forger une culture de lecteur, mais aussi de se mettre dans la position d’un lecteur expert : il va passer de « ce que raconte un texte » à « comment il le raconte ». Il aura appris à reconnaître et anticiper les différents éléments constitutifs du genre (le schéma quinaire d’un conte par exemple, mais aussi reconnaître les personnages récurrents de ce genre-le prince, le dragon, la sorcière, l’ogre, le géant, …-, ou s’attendre à la présence d’objets magiques, …).

Cela peut aussi permettre d’apprendre à faire la différence entre des genres qui sont proches, mais pourtant différents. Prenons l’exemple du Merveilleux, du Fantastique et de la Fantasy :

  • Le merveilleux est un genre dans lequel on va trouver des personnages, des lieux, des pouvoirs et des objets qui n’existent pas dans notre réalité, mais ils vont être présentés au lecteur de manière tout à fait ordinaire. Dans l’univers dans lequel le récit se passe, ils apparaissent comme normaux.
  • Pour le Fantastique, ces mêmes lieux, personnages, pouvoirs, objets seront présents, mais ils apparaîtront comme étrange car le récit se déroule dans un univers qui apparait comme vraisemblable. L’apparition de ces nouveaux éléments sera progressive et le narrateur commencera par douter de ses sens lors des premières rencontres avant de les accepter, souvent avec un sentiment de peur.
  • Quant à la Fantasy, elle désigne le genre dans lequel des éléments surnaturels relevant des mythes apparaissent, avec notamment l’utilisation de magie ou la présence d’esprits.
Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

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Rendez-vous par ici pour découvrir davantage les différents genres, ainsi que  des exploitations trouvées chez les cyber-collègues :

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

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Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Pour parcourir et apprivoiser un texte, il faut bien sûr le découvrir, mais les élèves n’auront pas obligatoirement besoin de le lire par eux-même, surtout lorsqu’il s’agit d’étudier une oeuvre longue. La découverte du récit pourra être faite par :

  1. Lecture à voix haute par l’enseignant
  2. Lecture silencieuse des élèves
  3. Lecture à voix haute des élèves
  4. Résumé partiel de l’histoire par l’enseignant. Ce résumé peut être narré par l’enseignant, ou bien donné à lire aux élèves. L’intérêt de sauter certains passages est de ne pas perdre l’intérêt des élèves, ni de temps dans l’exploitation, à lire des passages plus « mous » du livre, qui n’apportent pas grands choses d’un point de vue narratif (l’idéal est de ne pas dépasser 2 à 3 semaines lorsqu’on travaille sur un livre).

Image Jack Koch – dangerecole.blogspot.com/

Il existe plusieurs dispositifs pour entrer dans le texte, certains plus connus et plus utilisé que d’autres. Ces différentes entrées ne sont pas qu’une variation ludique, elles doivent permettre de mettre en lumière les particularités du texte étudiés.

  1. Le dévoilement progressif : particulièrement utilisé lors des lectures-feuilletons, il permet de vérifier la compréhension des éléments. On vérifie que les personnages, les lieux, l’intrigue sot identifiés . Mais cette entrée peut aussi servir à faire apparaître une erreur d’interprétation chez le lecteur, à condition que le texte ait programmé cette erreur (tous ne s’y prêtent pas). Après le démarrage de l’intrigue, le lecteur s’attend à ce que la suite de l’histoire soit convenue, tout le monde s’attend à ce qu’il se passe un évènement, et il y a un rebondissement imprévu.
    Quelques exemples d’ouvrages qui s’y prêtent particulièrement :

    Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

    Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

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    Ce sera aussi le prétexte pour revenir en arrière dans la lecture, et chercher s’ils ne sont pas passés à côté d’indices qui auraient pu les mettre sur la bonne voie. Dans le cas de Ohé Capitaine ! de Thierry Dessailly, le lecteur doit décider si le « capitaine » est un vrai matelot, ou bien si, comme la rumeur le prétend, il n’avait jamais été à la barre d’un navire.

    « Dans un village, au bord de la mer, un vieux capitaine, qui a tout (et même un peu trop) du capitaine… sauf le bateau, passe ses journées l’œil (triste) fixé sur l’horizon. Il a un secret…, dit-on gentiment. Mais un jour, la rumeur se lève parmi les habitants : et s’il n’était pas capitaine ? Il disparait bientôt et c’est le désarroi dans le cœur et l’esprit de chacun. Pourtant, par une nuit de tempête, comme sous le pinceau blanc d’un peintre magicien, il réapparait longeant le village, à la barre de son merveilleux navire, sans accoster… et tous comprennent alors que le capitaine leur avait offert bien plus qu’ils n’auraient espéré : Patience, audace, espoir, rêve et beaucoup d’amour. (résumé de C. Tauveron)

    Dans cet album, le lecteur est amené à comprendre en premier lieu que le récit se passe comme il nous est raconté. Cependant il oscille entre rêve et réalité. On pense que Capitaine est forcément un vrai capitaine et que c’est lui qui est à la barre du navire lors de cette fameuse nuit. Mais, en étant attentif à certains passages, on peut se douter que le récit ne peut pas être vraisemblable, alors qu’il est ancré dans un univers qui l’est. Le retour du Capitaine se fait par une terrible nuit de tempête. Tous étaient certains qu’un seul homme était capable de passer si près de la côte, une nuit de tempête : le Capitaine. […] Ceux qui ont croisé son regard ont compris qu’il ne resterait pas. Un capitaine de cette trempe aurait pu accoster et pourtant, il ne le fit pas.
    Croiser le regard du Capitaine ? Les villageois se sont massés sur la côte, il fait nuit, la tempête fait rage. Tout ça mis bout à bout ne tient pas debout ! Lorsque les élèves ont mis le doigts sur cette contradiction, puis réussi à interpréter la dernière phrase du livre (Moussaillons, ouvrez l’œil. Il existe des Capitaines sans jambes de bois, sans barbe rousse, sans … bateau), ils sont en mesure d’envisager que ce capitaine n’en est pas un vrai. Et une relecture attentive des différents fragments va permettre de mettre le doigt sur d’autres indices.

    Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

    Pour cet album, le découpage peut être fait en 3 fragments : d’abord la situation initiale (la cohabitation tranquille avec les gens du village), puis le basculement (l’émergence de la rumeur, la disparition du Capitaine et l’appel des villageois) et enfin le dénouement (la 7e nuit de tempête). Le premier fragment permet de découvrir les personnages et les lieux. On est persuadé que le Capitaine est un vrai capitaine. Dans le second, on va trouver des passages qui sont particulièrement résistants et qui ne pourront être compris que lorsque le doute sur la véracité de la narration sera apparu. Enfin, le dernier extrait devra être discuté, en mettant le doigts sur les éléments contradictoires qui mèneront à s’interroger sur l’ensemble du récit.

  2. La lecture dans un désordre concerté : on va la privilégié dans le cas où le récit n’est pas dans l’ordre chronologique des évènements ou bien lorsque l’on veut cacher des éléments du début de l’histoire pour que les élèves problématisent leur lecture.
    C’est ce qu’il est possible de faire par exemple pour l’étude de L’enfant océan, de J.-C. Mourlevat.
Littérature : que faire et comment l'enseigner ? Pour l’étude de ce roman, j’aime commencer par la lecture du chapitre 7, dans lequel on nous décrit le spectacle de 7 enfants faisant des glissades sur le terrain de sport municipal en plein milieu de la nuit.
C’est assez surprenant pour le lecteur, mais on peut ensuite s’interroger sur l’identité de ces personnages, et des raisons pour lesquelles ils sont là, nus au milieu de la nuit. Cette situation conduit la classe à interroger l’implicite

III. La lecture puzzle : ce dispositif permet d’attirer l’attention sur des indices qui peuvent sinon passer inaperçus. Ils vont permettre de construire une interprétation fine. Il faut mettre en lien des indicateurs de temps et de lieux, des substituts, des pronoms, …

IV. Lecture avec ou sans les images : ce dispositif est destiné aux albums, car la relation texte-images y est importante : ils peuvent être redondants (la plupart), complémentaires (Une histoire à 4 voix, les albums de Claude Ponti), divergents (L’Afrique de Zigomar, Mon chat est le plus bête du monde), narrer des récits parallèles, donner une piste d’interprétation (Les mystères de Harrys Burdick) …

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Dans un premier temps, on montre les illustrations et on demande de lire et d’interpréter les images (ce que je vois / ce que je comprends).

Puis on compare avec ce qu’on lit.

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Sortir du questionnaire de compréhension (/d’interprétation) ne veut pas dire que l’on ne demande aucun travail écrit aux élèves. C’est davantage que l’on va les emmener à proposer des interprétations, des recherches des possibles que le texte offre grâce à des questions ouvertes.

Il est possible de demander de produire un dessin d’un passage, d’un personnage dont l’identité ou la description ne sont pas clairement faits (il faudra interpréter un faisceau d’indices – Coeur de Lion, de Robert Boudet par exemple).

On peut aussi recourir aux « écrits de travail ». Il ne s’agit pas de production d’écrit, mais d’une production transitoire et éphémère qui va permettre de poser UNE interprétation possible du texte, et exprimer la compréhension de l’élève à un moment-T de la lecture. On peut les comparer aux représentations initiales de la démarche expérimentale en sciences.

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Pour consulter la typologie des différents types d’écrits de travail, c’est par là.

Pour avoir des exemples concrets et complets, c’est par ici (puis CTRL + F, tapez Typologie).

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

La lecture en réseau est souvent évoquée. Afin que le réseau soit efficace, il faut que les textes que l’on associe permettent d’acquérir un comportement de lecteur expert en s’affinant au fur et à mesure jusqu’à surmonter l’obstacle de compréhension qu’ils posent.

Prenons l’exemple de la notion de narrateur. Le réseau va être fait de textes sélectionnés afin de construire les connaissances suivantes :

  • définir la notion de narrateur
  • apprendre à repérer les indices permettant d’identifier un narrateur interne ou externe
  • travailler sur le narrateur-auteur : l’autobiographie
  • se questionner sur la fiabilité du narrateur (cas du narrateur-menteur : Journal d’un chat assassin, par exemple)
  • aborder le relai de narration : L’enfant océan
  • observer les différences d’interprétation d’un même évènement par plusieurs narrateurs (le point de vue)
  • connaître le journal-intime : écrire pour soi

Évidement, il n’est pas nécessaire d’épuiser toutes les possibilités du réseau, au risque de lasser tout le monde.

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Ce genre de réseau doit donc permettre de surmonter un problème de compréhension qui constitue un obstacle pour l’élève (les textes réticents). Cela peut être le cas pour :

  • les textes qui poussent à une compréhension erronée par la présence de leurres qui poussent à la méprise (Papa ! de P. Corentin, Coeur de Lion de R. Boudet, romans policiers avec fausses pistes)
  • le cas du narrateur peu fiable (Journal d’un chat assassin, A. Fine – Moi, Fifi, de G. Solotareff – Un martien ou Robot, de B. Friot)
  • la présence d’ellipses narratives (Yakouba, T. Dedieu)
  • le fait de gommer les relations entre les personnages
  • le fait de perturber l’ordre chronologique des évènements
  • le fait d’enchâsser un récit dans le récit (Dents d’acier, de C. Boujon)
  • en brouillant les frontières entre monde fictif et monde imaginaire (Boréal-express, de Chris Van Allsburg, Comment Wang-Fô fut sauvé, M. Yourcenar)
  • en adoptant un point de vue original (celui d’un extra-terrestre –Dr Xorgol de Tony Ross, d’un caillou –Rocky le petit rocher d’Alain Foix, d’une fourmi – Les deux fourmis de Chris Van Allsburg,  d’une poupée – La petite géante, de Philippe Dumas, ou d’un ours en peluche – Mitch, G. Solotareff ou Otto de T. Ungerer).

Un réseau peut aussi être construit afin de structurer une culture (on en revient au genre littéraire, mais on peut aussi évoquer l’archétype d’un personnage dans les contes).

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

On peut aussi évoquer les réseaux centrés sur un auteur. Mais là encore, il faut avoir des objectifs spécifiques autour de cet auteur. Par exemple, connaître l’auteur peut permettre de mettre en lumière que les œuvres s’éclairent les unes les autres. Prenons le cas de Rascal (oui, encore !). Ses albums sont simples à comprendre en apparence, mais l’interprétation des histoires est plus compliquée. Certains éléments récurrents dans les histoires vont permettre aux textes de s’éclairer les uns les autres. Ces éléments seront d’ordre symbolique :

  • les saisons comme rythme de la vie
  • l’eau qui nettoie et purifie
  • le feu qui purifie
  • la re-naissance symbolique des personnages
  • le voyage géographique qui permet une quête spirituel
  • les masques derrière lesquels les personnages se cachent

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Les réseaux autour d’un même obstacle de compréhension peuvent donner lieu à un autre dispositif : le débat interprétatif.

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Ce dispositif a pour objectif d’aider les élèves à raisonner sur les textes, à acquérir des stratégies de lecture et à les utiliser lorsqu’ils rencontrent un texte qui les nécessite. Sa richesse provient des échanges oraux qu’auront les élèves pour justifier leur interprétation du texte et la réponse qu’ils y apportent, toujours en se référant à celui-ci, mais aussi en allant explorer le champ des implicites permis, mais aussi en s’appuyant sur son expérience de lecteur et les situations déjà rencontrées.
Pour proposer des situations d’enseignement par le débat interprétatif, il faut commencer par se constituer un corpus de 4 ou 5 textes présentant un même obstacle de compréhension. Dans le cas que je prend en exemple, il s’agira d’un réseau centré sur l’imaginaire.
Chaque jour, on propose un texte différent. Plutôt que d’aborder la compréhension et l’interprétation par le questionnaire, on va s’appuyer sur un écrit de travail (on en a parlé un peu plus tôt) qui va servir d’« observable de compréhension ».
A noter : on peut priver le texte de quelques phrases, du dernier paragraphe, de son titre […] si celui-ci apporte la réponse.

Un exemple :

Dans le texte Je t’haine, de Bernard Friot, le narrateur est amoureux de Virginie, l’une de ses camarades de classe. Et comme la plupart des garçons de son âge, il ne trouve pas d’autre manière de le lui montrer l’importance que de lui envoyer des « mots durs » (et non doux) ou de lui faire des croche-pieds. Et elle le lui rend bien ! Bref, ils ont cette relation particulière mais exclusive. Et un jour, cette demoiselle se dispute avec un autre garçon dans la cour et elle finit par lui crier « J’te déteste ! ». Le coeur de notre narrateur se brise net, et il décide de lui rendre la pareille et envoyant des « mots durs »sur la table de la voisine. Virginie est morte de jalousie. En plus de cela, notre narrateur lui laisse comprendre qu’il ne la déteste plus ! A la sortie des classes se joue une terrible scène à l’issue de laquelle Virginie est en larme. Le texte s’achève par :

« – Moi ? Je ne t’ai jamais détestée ! Au contraire, je t’aime, je t’aime !

Elle n’a pas répondu. Elle m’a tourné le dos. J’ai bien vu qu’elle pleurait. Alors je lui ai donné un coup de pied dans les fesses.  Pour la consoler. »

En tant que lecteur expert, il nous est facile de déceler cet amour mutuel et inavoué entre les deux personnages, avec des passages comme « Je la connais depuis la maternelle, mais avant, c’était comme si elle n’existait pas. Maintenant c’est tout le contraire. Je pense à elle sans arrêt. Même la nuit quand je dors. » ou bien en remarquant l’obsession de leur comportement l’un envers l’autre. Le titre livre également la clé de l’histoire. Mais pour des lecteurs de cycle 3, c’est une autre histoire !

La consigne qui accompagne ce texte est d’expliquer les 3 dernières phrases. Donner un coup de pied pour consoler ? Comment cela peut-il avoir du sens ? Et du coup, pourquoi cela la consolerait ? Pour le comprendre, il faudra revenir sur l’ensemble du texte.

Littérature : que faire et comment l'enseigner ?

Voilà le déroulement d’une séance type :

  • les élèves commencent par lire individuellement le texte
  • on fait une première phase orale afin de s’assurer de la compréhension globale du texte (Qui ? Où ? Quand ? Que se passe-t-il ? mais en restant dans les grandes lignes du texte, il ne s’agit pas de commencer à interpréter)
  • la consigne est donnée : il s’agit de trouver une consigne de travail, une question qui va permettre de mettre en valeur la difficulté que pose le texte. Cela peut être un dessin à réaliser, trouver un titre, imaginer une suite, combler une ellipse, faire un relevé, un classement, …
  • Ensuite, au choix : soit une mise en commun par petits groupes avant la synthèse. Chaque groupe doit se mettre d’accord sur une proposition parmi les leurs qui sera proposée à la classe.
  • Mise en commun dans le groupe classe. Je note les propositions au tableau, sans demander encore d’argumenter. Puis vient le moment du débat interprétatif. On discute des différentes réponses, avec lesquelles les élèves sont d’accord, ou pas, et surtout pourquoi ? Quels sont les éléments du texte qui permettent de l’affirmer  ? Y a-t-il des indices à mettre en relation pour construire du sens ?
    Durant cette phase, il faut essayer de s’effacer au maximum, de ne surtout rien confirmer, les élèves doivent construire eux même leur raisonnement.
  • Lorsque le débat touche à sa fin, et que l’on s’entend sur une manière de comprendre le texte (ou pas d’ailleurs, certaines situations ne permettront pas d’avoir un consensus), je propose une lecture offerte du texte qu’ils sont en mesure de comprendre à sa juste valeur.

L’ouvrage Enseigner la compréhension par le débat interprétatif est vraiment bien fait ! Il reprend ce fonctionnement et propose des corpus de textes réunis en fonction de difficultés ciblées. Je ne peux que vous le conseiller. Je m’en suis servi il y a quelques années et ne l’ai pas regretté !

Pour ceux qui veulent encore creuser un peu plus la question, voici le compte-rendu d’une conférence de Mme Tauveron à l’IUFM de Rennes. C’est synthétique et complet. Clic !

Encore une fois, merci à ceux qui m’auront lu jusque là !

14 pensées sur « Littérature : que faire et comment l’enseigner ? ! »

  1. Morgane
    dit :

    Merci pour ce partage. Ton article est intéressant. Il permet de découvrir de nouveaux titres.

  2. sassyle
    dit :

    Merci pour cet article intéressant, il j’y a plus qu’à mettre en oeuvre…Bonne fin de semaine

  3. sam
    dit :

    Effectivement j’ai lu jusqu’au bout même à minuit. Merci pour cette vision de la littérature… Je vais lire les liens donnés car c’est très intéressant tout ça!

  4. tiphaine
    dit :

    Merci pour cet article. Je m’interroge justement là- dessus en ce moment et tente de mettre en place qq chose qui sort du lecture/questionnaire que je trouve peu concluant ou formateur! Vos idées vont m’être bien utiles!


  5. OlivierI
     
    dit :

    Merci à vous 4 pour votre passage et votre lecture !


  6. Craie hâtive
     
    dit :

    Wahou ! Quel travail ! Merci pour les idées très intéressantes


  7. BigBoom
     
    dit :

    Très  intéressant cet article, avec des ressources  qui donnent envie! Merci pour ce partage


  8. domrod
     
    dit :

    J’ai tout lu, j’ai tout compris, je suis ravie!!!!!!
    MERCI

  9. Mayleb
    dit :

    Passionnant ! Il faudra que je relise pour m’approprier tout ça. Merci.

  10. Mélanie
    dit :

    Bonjour,
    un simple mot pour vous remercier pour ce travail incroyable. T1, j’ai cette année une classe de CM1-CM2 à mi-temps, et suis en charge de l’enseignement de la littérature. L’an passé, j’ai beaucoup travaillé sur la compréhension de lecture avec mes CE2-CM1; et étais donc un peu perdue en ce début d’année pour enseigner la littérature. En gros, je ne voyais pas trop quoi faire, comment, et ne souhaitais pas me limiter simplement à des lectures + questionnaires comme on le voit souvent dans les écoles.Bref, je suis sauvée par votre article, qui regorge d’idées, de pistes auxquelles j’adhère complètement, etj’ai envie de tout faire… Mais il va falloir faire des choix 🙂 Encore merci pour ce travail !

    OlivierI

    Jeudi 1er Octobre 2015 à 21:00

    Merci de ton passage et ton mot Mélanie. Je me suis retrouvé comme toi il y a quelques années, à me demander ce que je pouvais faire de plus pour aller plus loin en littérature, et j’ai eu la chance de faire les bonnes rencontres et d’avoir de bonnes lectures. Je partage ici une synthèse de ce que j’en ai compris/retenu/adapté en espérant que ça puisse être utile !

  11. OlivierI

    dit :

    Merci de ton passage et ton mot Mélanie. Je me suis retrouvé comme toi il y a quelques années, à me demander ce que je pouvais faire de plus pour aller plus loin en littérature, et j’ai eu la chance de faire les bonnes rencontres et d’avoir de bonnes lectures. Je partage ici une synthèse de ce que j’en ai compris/retenu/adapté en espérant que ça puisse être utile !


  12. OlivierI
     
    dit :

    Merci à toutes ! Comme d’habitude, c’est avec plaisir !


  13. enclasse
     
    dit :

    Merci pour cet article très complet.  Je trouve que le débat interprétatif n’est pas toujours facile à mener . J’ai parfois l’impression  de  beaucoup trop questionner les élèves pour arriver à faire émerger une réflexion sur le texte. J’espère que la lecture du livre que tu recommandes m’aidera à améliorer mes séances.

    OlivierI

    Dimanche 4 Octobre 2015 à 21:21

    Merci Pascale ! C’est vrai que le débat peut parfois être laborieux, et les prises de parole dépendent aussi beaucoup du climat de classe, certaines fois c’est assez catastrophique. Le choix des textes y est pour beaucoup dans les échanges, ainsi que les textes déjà rencontrés. Tu peux jeter un oeil dans ma rubrique Remplacement, il y en a quelques un .

  14. OlivierI

    dit :

    Merci Pascale ! C’est vrai que le débat peut parfois être laborieux, et les prises de parole dépendent aussi beaucoup du climat de classe, certaines fois c’est assez catastrophique. Le choix des textes y est pour beaucoup dans les échanges, ainsi que les textes déjà rencontrés. Tu peux jeter un oeil dans ma rubrique Remplacement, il y en a quelques un .

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Comments (2)

  • brown bear and co16 avril 2017 at 10 10 47 04474 Répondre

    AH ben c’est ici que je vais laisser mon commentaire alors (je suis passée sur l’ancien blog, gloups). Donc un grand merci pour cet article qui me remet en mémoire les points essentiels sur la littérature !!

    • ziletcompagnie19 avril 2017 at 9 09 58 04584 Répondre

      Et un grand merci à toi pour ta visite et ce message !

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