Montrer des oeuvres : pourquoi ?

Voir – Regarder – Observer – Comprendre

Parmi ces 4 verbes, 3 pourraient paraître être des synonymes. Cependant, il existe une gradation dans l’intention que l’on donne à cette action. Et parvenir à chacun de ces stades constitue un apprentissage. Mais lorsque l’on montre une reproduction d’oeuvre en classe, il ne s’agit absolument pas d’un modèle à atteindre (ni même d’un point de départ pour une activité A la manière de… qui sont en réalité trop réductrices, je reviendrai dessus).

L’image doit être perçue non pas comme un objet, mais comme un être (comme un sujet) avec lequel nous avons un raport

d’ordre confidentiel et existentiel – Daniel Lagoutte, Enseigner les arts visuels

Selon l’objectif que l’on se fixe en introduisant une oeuvre, on peut repérer différents éléments. Je ne vais pas réinventer l’eau chaude ni paraphraser ce qui a déjà été très bien dit, je vous envoie faire un tour en Polynésie chez ma copine Crayon de Soleil ! Vous y trouverez une réflexion intéressante sur la place de l’oeuvre dans une séquence et les différents moments auxquels on peut les introduire, ainsi que les effets que cela produit.

Un rapide article sur le site arts visuels de l’Académie de Rouen Ici.

Sinon, qu’y a-t-il à regarder dans un tableau ? Ça dépend de vos objectifs ! Prenons l’exemple de La grande vague au large de Kanagawa, d’Okusaï.

Je peux m’en servir pour introduire la technique utilisée par l’artiste (l’estampe), pour découvrir l’art asiatique dans le cadre d’un projet, parler de la gravure et des zones à évider sur mon outil scripteur avant de pouvoir encrer, introduire un exemple de scène agitée pour montrer un procédé d’artiste, ou bien une représentation de la mer, voir ce qui se faisait ailleurs au XIXe siècle, ou bien enrichir un travail autour de Saisir l’éphémère (la photo, les impressionnistes, … qui lui sont à peu près contemporains) ou bien dans le cadre d’une réalisation plastique autour des catastrophes naturelles, pourquoi pas !

Il faut donc déjà avoir une idée précise du projet que l’on mène avant de choisir les images que l’on va présenter.

Observer et exploiter des œuvres permet aussi de se progresser. Certaines erreurs de création ou de dessin proviennent d’une méconnaissance des référents artistiques. : »Les erreurs portant sur le système de représentation et de référence au code révèlent, elles aussi, d’une méconnaissance des œuvres d’arts. En effet, c’est en les observant, en les comparant, en les commentant à travers différentes époques que la perception des codes et des systèmes de représentation s’enrichit. On s’aperçoit alors que leur utilisation par les artistes, pour produire un sens, évolue en fonction des époques et des lieux » – Daniel Lagoutte, Enseigner les arts visuels.

Ensuite, qu’y a-t-il à voir ?

Selon l’objectif, l’âge des élèves et les habitudes de ce genre de travail, plusieurs niveaux de compréhension sont envisageables. Prenons l’exemple des Epoux Arnolfini, de Jan Van Eycke :

1° Il va s’agir de regarder l’image et de répondre à « Ce que je vois« . On va décrire la composition du tableau : que représente-t-il, en restant dans les grandes lignes. Il s’agit d’une lecture rapide. On voit deux personnages, un homme et une femme debout. Ils se donnent la main. La scène se passe à l’intérieur d’une maison. Vu leurs tenues, la scène est ancienne.

A cela, on va ajouter les premières impressions : Ça me plait/ne me plait pas car…, j’aime bien parce que c’est coloré, etc…

2° Le deuxième niveau de lecture de l’oeuvre consiste en une observation plus fine de l’image : Au premier plan, on voit un chien et des chaussures posées au sol. On s’aperçoit aussi que l’homme a la main droite de levée, et la dame la main posée sur un ventre bien arrondi. Et une observation des détails permet d’apercevoir des fruits posés sur la table, derrière l’homme, une bougie allumée sur le lustre ou encore un miroir au fond de la pièce, au dessus duquel un message est écrit.

A ce niveau de lecture, on va aussi s’intéresser à la composition plastique. On repère les formes (figuratives, non figuratives, les formes géométriques), la couleur, la matière, les matériaux utilisés, la technique, le support, les outils, … Pour cette peinture, il s’agit d’une peinture à l’huile sur bois.

3° Le troisième niveau de compréhension emmène les élèves à comprendre, interpréter. A partir des indices relevés, on va essayer de comprendre les intentions de l’artiste, donner du sens, aller dénicher les symboles qui se trouvent dans l’image, ou encore éclairer le contenu par des apports sur le contexte de création.

On peut s’intéresser à l’identité de ces deux personnages. Les vêtements sont ouvragés, ce qui montre qu’il s’agissait de personnes riches. Il s’agit vraisemblablement d’une scène d’union, d’un mariage. Les mains tenues, la main de l’homme levée qui indique une promesse. Le chien qui se trouve à leurs pieds est un symbole de fidélité. Aussi les fruits qui se trouvent sur le coffre nous rappellent Adam et Eve, un autre couple. La bougie allumée sur le lustre est là pour introduire un côté religieux, il s’agit de l’œil du Christ, Il était d’usage d’en offrir aux jeunes mariés afin qu’il veille sur eux.

Pour aller encore plus loin :

– la femme n’était certainement pas enceinte : à cette époque (1434, fin du moyen-âge), leur rôle était réduit à faire des enfants et les élever.

– L’homme devait être riche mais pas noble : les chausses posées au sol montre qu’il se déplaçait à pied dans les rues boueuses, contrairement aux aristocrates qui se déplaçaient en litière, portée par des serviteurs.

– Le miroir accroché au fond nous révèle la présence du peintre. On y voit deux personnes, sûrement les témoins, qui n’apparaissent pas sur le tableau à première vue. L’autre indice qui permet de révéler qu’il s’agit du peintre est le message noté au mur, en français « Van Eyck était là » (cliquez sur les images pour agrandir).

Puis on peut poursuivre avec une exploitation du graphisme, l’analyse plastique de la composition, l’analyse historique, ouvrir sur une technique, un mouvement artistique, un procédé utilisé, …

On peut ici se livrer à un repérage des sources lumineuses, de la direction de la lumière, de la recherche du point de fuite, etc.

Pour la technique, on peut parler de la peinture à l’huile (un exemple d’exploitation dans Histoires d’arts en pratique). On peut ouvrir sur les peintres flamands et parler notamment de Johannes Vermeer (la jeune fille à la perle, la laitière, etc…). Ou se lancer dans les reflets dans les miroirs, en citant notamment Les ménines de Velasquez, où l’on voit le roi et la reine d’Espagne apparaître (Click pour agrandir), avant de se lancer dans une pratique éclairante sur ce thème.

Enregistrer

Laisser un commentaire

Scroll to Top
%d blogueurs aiment cette page :