C’est kitsch… Une coquille saint jacques, des anges, un bord de mer. Et pourquoi pas un dauphin qui saute devant un couché de soleil ? Mais qu’est ce qui te plait là-dedans ?
Premiers coups d’oeil sur le tableau : on ne voit qu’elle, cette femme nue en plein milieu ! C’est qui ? Et qu’est-ce qu’elle fait à poil ? Y a bien deux anges dans le coin mais ça ne m’aide pas à mieux comprendre… Et à droite, un quatrième personnage vient aider la demoiselle à s’habiller (une intervention du CSA ?). Mais qu’est-ce qui se passe ici ? Elle sort d’où cette coquille saint jacques ?
On retourne à la pêche (hahaha !) aux indices : on est en bord de mer et on distingue une forêt sur la côte. Ça nous avance pas beaucoup…
Si on prive le tableau de son titre, il faut avouer que sa lecture n’est pas évidente !
La scène se passe sur les côtes de l’île de Cythère, une île grecque bordée par la mer Égée et la Méditerranée. La mer est calme et représentée de manière minimaliste car ce n’est pas le sujet du tableau.
Difficile de s’appuyer sur la scène représentée pour définir la période de création : il s’agit d’une interprétation d’un texte issu de la mythologie grecque. Ce grand classique est l’oeuvre de Sandro Botticelli, un peintre italien du XVe siècle.
Il a été peint vers 1485, en plein milieu de la Renaissance (1420-1560). On peut noter que Botticelli était un peintre florentin, ville berceau de la Renaissance italienne,mouvement qui s’est ensuite répandu dans le reste de l’Europe.
Ce tableau, malgré son titre, représente donc l’arrivée de la déesse sur les côtes de Cythère, telle que l’avait décrite les poètes de l’Antiquité.
Comment souvent dans les tableaux, quelques éléments plus importants qu’on pourrait le penser se sont glissés dans composition.
D’abord, les roseaux. Tout comme Vénus est la déesse de la fertilité, leur expansion très rapide en font le symbole de la fertilité, d’où leur présence.
Le thème du Printemps est omniprésent dans l’image. Aura, vent du printemps, répand des roses sur son passage, fleurs de l’amour et de la beauté (tiens, tiens). L’Heure qui accueille Vénus porte une ceinture de fleurs autour de la taille. Sa robe en est décorée, tout comme le manteau qui va enveloppé la déesse. Le printemps est associé à la renaissance de la végétation et de la nature en général après la période hivernale. C’est donc naturellement lui qui devait être représenté dans cette scène.
Enfin, le gros coquillage, assez énigmatique c’est vrai. Posons-nous tout d’abord la question de son utilité. Sans lui, Vénus arriverait sur les côtes à la nage et serait immergée. Impossible de pouvoir admirer sa beauté parfaite ! Il fallait donc une embarcation. Le choix de cette coquille s’explique sans doute par ses courbes et ses couleurs douces, parfaites pour accompagner Vénus. On peut aussi y voir le fait que Vénus serait la perle sortie de la coquille.
Côté couleurs, on note qu’elles sont claires, douces sur la majorité du tableau. L’ambiance est apaisante. On s’aperçoit que la seule zone sombre est à droite, sous l’arbre. C’est parce que Vénus n’y est pas encore arrivée. On imagine qu’elle va chasser l’obscurité.
La lumière n’est pas naturelle dans le tableau : prenons l’exemple du personnage central. Il ne produit pas d’ombre, comme si Vénus était elle-même source de lumière.
Et côté composition, la construction est faite autour d’un triangle dont l’un des sommets est au dessus de la tête de Vénus :
Le triangle supérieur à gauche parait suspendu. Les personnages donnent l’impression de basculer vers Vénus. Ce mouvement est renforcé par les vêtements qui flottent et les fleurs qui tombent.
Les courbes de Vénus, en forme de S, soulignent sa sensualité.
Une autre particularité de ce tableau, c’est le contour marqué autours des personnages, ce qui donne un style « dessinateur » plus contemporain.
Sandro Botticelli est un peintre italien du XVe siècle (le quatrocento – 1400-1499 en Italie). Il était originaire de Florence, le berceau de la Renaissance. Son talent lui permit d’entrer au service des Médicis, la famille la plus puissante, celle qui « régnait » sur la ville. Parmi ces oeuvres majeures, on peut citer Le Printemps, ou encore sa participation à la décoration de la chapelle Sixtine.
Pour la petite histoire, cet autoportrait du peintre est tiré de l’une de ses autres oeuvres : L’adoration des Mages (il est en bas à droite). Les trois rois mages sont des représentations des membres de la famille Médicis, qui ont passé la commande. Les autres personnages du tableau sont des proches de la famille. Botticelli s’y est peint et il y regarde fièrement le spectateur, il sait qu’il a réussi.
Le modèle dont s’est inspiré Botticelli est Simonetta Vespucci, elle aussi florentine. Elle faisait partie de la cour des Médicis et elle était considérée comme la plus belle femme de son époque. Elle meurt prématurément à l’âge de 23 ans. Botticelli ne l’oubliera pas et ce tableau sera peint 9 années après sa disparition. D’ailleurs, l’artiste demandera à être enterré aux pieds de Simonetta.
Ouais, c’est vrai. Et même que c’est fait exprès ! On a évoqué tout à l’heure le fait que Vénus venait de naître, ce qui expliquait sa nudité. Il faut noter que cette peinture est l’une des premières à montrer une femme nue depuis près de 1000 ans ! La période qui l’a précédée est le Moyen-Âge au cours duquel c’est la peinture religieuse qui est l’unique sujet des peintres. Au cours de cette période, le seul corps féminin montré par les artistes était celui d’Eve, tentée par le Serpent et chassée du Paradis. Sa nudité était associée à la honte d’être faible, elle a désobéi à Dieu. Pour les catholique, la nudité renvoie l’humain à sa condition animale alors que la religion met en avant le côté spirituel.
Ici, et pour la 1e fois, c’est le contraire. Dans ce tableau, on voit l’apparition de la beauté (et de la perfection) sur Terre. La nudité est utilisée pour montrer la perfection de la déesse, son corps n’est pas caché, elle ne peut pas tricher. Vénus est parfaite et on le voit !
A noter tout de même que la tradition veut que Vénus reste convenable. On voit qu’elle se cache la poitrine d’une main et dissimule son pubis avec ses cheveux (un geste calqué sur une statue appelée Venus pudica).
Tant qu’on parle d’elle, la posture qu’elle prend est connue sous le terme de Contrapposto. L’une des deux jambes porte le poids du corps, l’autre est laissée libre et légèrement fléchie. La ligne des épaules est opposée à la ligne des hanches. Cette position était beaucoup utilisée dans l’Antiquité.
Pour faire bref, la Renaissance est notamment caractérisée par la re-découverte des techniques et des idées de l’Antiquité grecque et romaine (re-naissance). Il marque un tournant, une rupture avec l’art médiéval.
A partir de cette époque-là, les artistes s’autorisent à peindre le nu pour lui-même, il devient un sujet à part entière. Les paysages prennent de l’importance, notamment pour les peintres flamands. Les peintures profanes se développent. Les portraits, qui étaient présents au Moyen-Âge, quittent leur traditionnel profil pour laisser plus de liberté aux peintres.
Pour réaliser l’exploitation, j’ai choisi de m’appuyer sur la génialissime collection Pont des arts, et sur l’album Le peintre de la beauté, joliment écrit par Alice Brière-Haquet et magnifiquement illustré par Judith Gueyfier (à découvrir par en cliquant sur l’image ).
J’ai eu un gros coup de coeur pour cet album car, au delà des illustrations et du texte égaux à la qualité que la collection a l’habitude de nous proposer, le récit mêle habillement la fiction et l’histoire de la création du tableau : l’admiration (l’amour ?) de Botticelli pour Simonetta Vespucci, la commande des Médicis, la réalisation de la commande qui arrive après le décès du modèle. J’ai aussi beaucoup aimé les sensations qui sont amenés par l’auteur : les odeurs (des roses, du bord de mer), le bruit du vent qui souffle dans les arbres ou du clapotis des vagues, la sensation du courant d’air (le souffle de Zéphyr ?)… Cette entrée sensible dans le tableau m’a séduit !
Voici la présentation de l’éditeur :
« Pour trouver l’inspiration, Sandro se promène dans ses souvenirs : du parfum des roses du jardin aux perles des huîtres qu’il allait pêcher… Apparaît alors la belle Simonetta, son premier amour. Et si c’était elle, la beauté ? Dans la pénombre de son atelier, Sandro se questionne… Vénus en personne viendra lui souffler la réponse. Le peintre tient son tableau ! C’est Vénus qu’il représentera mais avec les traits de Simonetta, son amour perdu. L’illustratrice, Judith Gueyfier, donne à ses personnages la douceur des visages, le velouté des regards, les ondoyantes chevelures du maître florentin. Quel plaisir, quelle beauté ! Nous retrouvons dans l’album les tons bleus et les motifs de chardons et de roses, les positions de la déesse et de sa suite. Simonetta et la déesse ne font qu’une au fur et à mesure de l’ouvrage et introduisent superbement La Naissance de Vénus de Botticelli. »
La séance et les documents élève
La fiche méthode pour entrer de manière sensible dans le tableau :
Le Powerpoint pour mener la séance
La trace écrite (sur le modèle de Cenicienta)
Une jolie idée que j’ai trouvée chez Fodio (A portée de notes) : il s’agit de poursuivre sur le thème de la beauté, mais non pas de la garder sous son aspect universel, plutôt de la personnaliser. Je vous laisse découvrir son exploitation :
16 pensées sur « La naissance de Vénus, Sandro Botticelli ! »
Comme d’hab c’est super intéressant! Et drôle! Merci beaucoup!
Enfin je ne sais pas si je dois te remercier car, moi qui ne fait que du Français et des Maths du fait de mon poste de PDM, l’art visuel et l’histoire de l’art me manquent encore plus à cause de tes articles! 😉
Merci Charlotte ! Ce qui est bien avec toi, c’est qu’à chaque article j’ai un p’tit mot sympa
Soigne toi bien !
Wahou ! Très intéressant. Merci beaucoup pour ce riche partage.
Je travaille sur la mythologie grecque avec ma classe. Nous avons « assisté » à la naissance d’Aphrodite et nous venons de lire l’épisode où Héphaïstos demande sa main. C’est le moment parfait pour s’intéresser à ce tableau !
OlivierI
Dimanche 31 Janvier à 10:17
Merci Craie Hâtive ! Effectivement, le timing est parfait ! A très vite de l’autre côté du rideau !
Craie hâtive
Dimanche 31 Janvier à 12:28
J’ai hâte !
Merci Craie Hâtive ! Effectivement, le timing est parfait ! A très vite de l’autre côté du rideau !
J’ai hâte !
Excellent! Un grand merci.
OlivierI
Dimanche 31 Janvier à 10:18
J’en suis muette , bouche bée… admirative devant une telle présentation ! Merci de ma part et de la part surement de tous ceux qui, comme moi, ont une culture très limitée en histoire des arts.
OlivierI
Dimanche 31 Janvier à 10:19
Ravi de pouvoir t’être utile Pascale !
Ravi de pouvoir t’être utile Pascale !
Superbe! Quel travail ! Merci pour ce partage!
OlivierI
Dimanche 31 Janvier à 10:19
Et merci à toi pour ton passage et ton message !
Et merci à toi pour ton passage et ton message !
Document de très grande qualité comme d’habitude, J’avais travaillé dessus mais de façon beaucoup beaucoup plus simple, c’est ici http://a-cartable-ouvert.eklablog.fr/la-naissance-de-venus-de-sandro-botticelli-revisitee-a107415928, si tu veux jeter un oeil, puis-je mettre un lien vers ton blog à la fin de mon article pour le signaler? Bon dimanche
OlivierI
Dimanche 31 Janvier à 20:18
Comme si t’avais besoin de demander BigBoom !Je vais aller jeter un oeil chez toi du coup.
Comme si t’avais besoin de demander BigBoom !Je vais aller jeter un oeil chez toi du coup.
Cool! Ça y est, j’ai mis le lienMerci à toi et belle soirée
OlivierI
Mercredi 3 Février à 16:56
Merci BigBoom !
Merci BigBoom !
C’est super, comme toujours Olivier !! Du coup, je les trouve un peu bof mes articles sur les oeuvres d’art…
Olivier
Mercredi 3 Février à 08:14
Mais t’es pas bien ?!! On n’a pas exactement la même approche, c’est tout. N’oublie pas que j’ai beaucoup appris en venant chez toi !